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Journal de l'autre bord
20 janvier 2005

Le loup sur la berge rit

C'est d'une invitation dont il s'agit, comme un retour aux sources, en cette gâtinaise Venise, entre quelques canaux, de loin en Loing, deux oui qui s'échangent pour un petit peu de pire et moult meilleur, et moi. Et eux, accessoirement... surtout eux.

Ces agneaux de Dieu me posent problème, un tribut à crédit, le genre d'épine dans le pied que l'on oublie un temps mais qui inconsciemment omise se réveille et vous empêche, dans une mesure certaine, de fermement poser le pied sur la terre ferme. Parce que c'est ainsi, je le savais et le sais encore, je continuerai sempiternellement d'en payer le prix, des années voire une vie d'ostracisme contre l'infamie d'une élégante rébellion révolue.

Je suis donc un exclu, comme ils disent, et accessoirement aussi un homo. Mais, avant toutes choses, c'est pour cette première raison que je deviens persona non grata en leur monde nouveau tellement spirituel qu'ils en cultivent l'intolérance comme la rose la plus rare. Je sais toutes ces choses, j'en connais les tenants et les aboutissants, j'avais cependant totalement occulté qu'au mariage de mon amie, ma Marilyn à moi, son cercle admis se composerait indubitablement de quelques spécimens au caractère apeuré, craintives brebis recluses sur leur credo, pour qui je représente un danger.

Moi, le danger, moi le loup aux dents acérées qui m'en irait déchiqueter leur vertu entre deux toasts et quelques poignées de mains si on me laissait entrer dans leur sacro sein, leur petit univers tout propret où rien ne doit dépasser, et surtout pas la moindre infidélité aux manières admises, à ce qu'il faut penser, à ce qu'il faut endurer, pour avoir la chance d'être sauvé.

Sauvé... oui. Je me suis effectivement sauvé. Mais tout seul ; et loin de surcroît. Ni pire ni meilleur (quoi que...), toujours le même, m'efforçant de conserver mon honnêteté, mes doutes récurrents sur ma petite personne meurtrie, traînant ma petite et interminable vie d'adolescent mal dégrossi comme un boulet omniprésent, un rappel constant d'un grand gâchis.

Et l'on me gâche encore et toujours le plaisir de la voir, elle, et lui, se donner l'amour en gage d'éternité, de reconnaissance de toutes ces années où la paix, celle qui ne dépend surtout pas de cette foi étrange, s'est installée, faisant un nid pas toujours douillet mais tellement sécurisant, tellement valorisant.

Le pire dans l'affaire, histoire bête à pleurer qui se répète, ce n'est pas tant soit peu que je me retrouve écarté comme un mauvais fruit, chose que je concède volontiers à ma jolie mariée. Non, le pire ici est que, d'une cavalière manière ou d'une autre, je lui ai posé cet insoluble problème, ce souci indomptable de devoir choisir entre une fête avec des individus pas exactement indispensables mais mathématiquement nombreux et moi, le loup dégénéré, fidèle certes, mais seul à deux.

Ce n'est pas vraiment de la colère que je ressens, je crois ; davantage de la pitié qu'il nous faille, tant à Johanna qu'à moi-même, composer avec l'étroitesse d'esprit de ces ovins-là, avec leur comportement réactionnaire sous couvert d'un attachement à des préceptes poussiéreux, dogmatiques et asociaux, lorsque ma petite personne aurait pu parfaitement se fondre entre quelques coupes, deci delà, au milieu de tout ce monde, soit exactement au milieu de nulle part. Fut-ce avec une peau de brebis illusoire sur un comportement empreint de discrétion respectueuse des croyances d'autrui.

La décision est désormais claire, elle est d'ailleurs mienne, je m'abstiendrai de venir draguer leur berge, je ne regarderai que de l'autre rive cette petite fête entre pseudo amis, ces "frères et soeurs" qui ont un sens dévié de l'hospitalité dans lequel, définitivement, je ne reconnaîtrai jamais l'amour éminemment chrétien. Je n'irai donc pas... Puisqu'il est pour moi inconcevable que je fasse fuir le troupeau par ma seule apparition, choléra pestilentiel qui leur polluerait une des seules occasions qu'ils ont de partager, de surcroît par procuration, un moment festif... avec modération, bien entendu. Johanna mérite sa noce sans accroc, sans l'humiliation de ces habituelles réflexions, de ces remarques sans cesse pleines d'amour, quant à l'organisation de ceci ou de cela, quant à la longueur de sa jupe ou à la pertinence de ses cartons d'invitation.

Qu'elle ait donc la paix, ma douce amie, je la lui offre ! C'est un don, un abandon, avec regrets, certes, mais c'est par dessus tout, grimé comme un loup cynique, le rictus assuré qui contemple la bêtise humaine dans son grégarisme le plus primaire.

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