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Journal de l'autre bord
30 juin 2004

Les mots d'hauteur de ver

Ce n'était pas pour faire bien, ce n'était pas même pour m'assurer un appel dans une classe d'élites, sur les banc meurtris de génies en herbe, réels ou supposés...

Non... Si j'ai effectivement coché l'option latin pour mon passage en quatrième, si je m'en suis pris pour deux ans de déclinaisons, de thèmes et versions toutes plus réjouissantes les unes que les autres, ce fut pour ce seul précoce désir de la langue, belle et riche, cette docte utilisation que j'attendais plus profonde encore, comme un sillon d'or à creuser pour en extraire davantage de sens, davantage d'éclat. Davantage de moi.

Deux années bêtement scolaires sont certes dérisoires en cette étude barbare mais, comme une offrande à mon acharnement, elles m'ont très tôt amené à aller pêcher plus loin encore la nuance des mots, les tremplin aux néologismes, et à deviner parfois, comme à un bingo intello, ce que tel ou tel vocable pouvait bien receler comme signifiance devant mon apparente ignorance.

Et, du plus loin qu'il m'en souvienne, il y a de ces réminiscences qui s'attachent à mon esprit, de ces sonorités de langue morte qui vivifient la compréhension de celle, bien vivante, que je m'emploie à manier du mieux que je le puis depuis ces apprentissages-là.

Le commun terme humus m'aura ainsi définitivement marqué de son âcre odeur imaginaire, non en tant que rapport à la terre qu'il désigne mais davantage à l'homme et à son pendant qualitatif qu'il implique, la belle et désirable humilité.

Car être humble serait être forcément humain, si l'on en croit l'étymologie des choses. L'homme vient de la terre et y retourne depuis la nuit des temps, ce qui fait de son amas de chair et de sang bien peu de choses en fait, une poussière un peu complexe, convenablement articulée parmi d'autres qui lui ressemblent tellement, contre toute attente.

Mais loin de la démonstration logiquement linguistique, j'ai très vite saisi le contresens à cette réalité, comprenant combien nous étions nombreux à nous estimer tellement supérieurs, tellement différents du monde d'en bas, de ces destinées de vermisseaux un tantinet évolués sous un identique soleil.

L'orgueil, la fierté indécente, la prétention insensée ont taré beaucoup d'entre nous. Mais pas tous cependant...

En ce qui me concerne, je crois avoir fait de mon mieux, depuis longtemps, pour ne point céder au complexe de supériorité. D'efforts en contrition, j'ai travaillé ce bel art, tant et si bien que je tends parfois à me retrouver dans une modestie mal placée, mal servie, qui me dessert autant au plus haut point de chute, vers un gouffre sans fond de déni de moi-même. Alors certes, je sais m'excuser, sans rougir de honte de ma révérence, je sais renoncer face à la démonstration claire et évidente de mes torts, mais je sais que je ne manie pas cette qualité aussi bien que Ludovic.

Mon amant encaisse tous les coups que je lui porte, les droits comme les tordus, les abécédaires de la bienséance comme les terreurs folles que je lui communique sans aménité. Et s'il ne lui est pas toujours donné de prendre mes sentences comme une vérité évangélique, sa rancune s'avère excessivement périssable dans le temps.

Alors l'orage passe aussi sûrement qu'il s'en est venu, puis arrive l'embellie, ce retour à la terre, à la juste nature des choses, les éléments les plus intègres et les plus simples, comme l'expression pure et dure d'un amour désintéressé, cet attachement indéfectible qu'il me porte obstinément et dont il me prouve, à chaque caresse dans mon dos, indubitable situation chavirée, l'extrême grandeur.

Car il ne s'agit pas pour lui d'avoir raison ou, tout du moins, pas exactement. Le mal le pire en l'affaire n'est pas de ne pouvoir tirer un peu la couverture à lui mais bien davantage de blesser, une fois de trop, l'autre. A savoir, moi, cet humble de pacotille dont la fugacité des bouderies n'a d'égal que la promptitude de mon bel homme à réparer d'une simple tendresse, d'un seul geste et d'une déclaration, le mal malencontreusement perpétré.

Bien en deçà de ce qu'il peut quelquefois laisser témoigner malgré lui, mon Chocolat se cultive à hauteur de jardin, dans la plus simple condition humaine, lorsque il sait que cela en devient nécessaire.

Puis quand il me donne à ne plus en perdre ainsi mon latin, Dieu sait que je l'apprends par coeur.

Et que je l'admire.

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