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Journal de l'autre bord
27 juin 2004

Au verso de son monde

La réflexion m'a échappé, comme une furtive aigreur sous un soleil de plomb, lorsque j'ai éructé une perfidie presqu'innocente dans un moment, ce long moment, où j'ai eu la sensation de devenir l'apatride de nous deux, la gentille bestiole que l'on promène et qui, à défaut de numéro, n'aura pas de consistance inoubliable pour les convives helvètes ainsi fréquentées.

Ce n'est assurément pas ce que je lui ai débité de plus intelligent jusque là, loin s'en faut, et je voudrais presque l'oublier s'il me l'était offert. Mais point l'occulter pour autant car il y a matière, belle matière, à fouiller là, dans ces remous involontairement volontaires.

En cette intervention infime, un peu bête parce que mal dite, miroir désamouré d'une sensation ponctuellement peu confortable, j'ai stigmatisé malgré moi un ressenti qui persiste, qui me colle à la peau, qui s'ingénie à devenir mon ami dont, pourtant, j'exècre l'amitié offerte. Je n'aime pas les doutes, mais l'ennui, c'est qu'ils ne me le rendent pas bien : il m'adorent. Et alors ?

Alors, j'évalue le plus objectivement possible les épisodes de cette saison 1, on rassemble ses mauvais esprits, histoire de ne pas laisser l'emphase du coeur polluer l'affaire dans un souci de déni, où chaque temps serait essentiellement merveilleux, chaque merveille durerait tout un temps... sinon deux.

Ca fleure toujours beau, c'est évident, nous sommes pronfondément bons l'un envers l'autre, nous nous aimons assez pour faire un demi-tour de contrition muette, dix minutes après un orage au rabais, dans ce délai de quasi-rigueur, celui qu'il faut pour que l'auteur du crime dérisoire s'imagine ne pas avoir été le meilleur et en vienne, dans sa petite foulée, à racheter sa mégarde par le dépôt assuré de ses lèvres chaudes. Comme un sceau à l'éternité, celle qui nous soufflerait à l'oreille, "tu as tout le temps pour oublier..".

Mais, car il y a ce mais, j'ai bien souvent une perception de mon for intérieur comme un élément décoratif lorsque notre couple se retrouve en société et, plus particulièrement, dans sa société. Comme l'incertain pendant de ce bel équilibre qui se balance de tendresses en taquineries lorsque nous sommes seuls, je me retrouve quelquefois dans des postures d'électron libre, émancipé de tout et, bien malgré moi et mes envies les plus sincèrement intenses, de lui, de son regard, de sa main.

Bien entendu, je sais son souci de discrétion lorsque le cercle n'est pas acquis. Je ne m'explique toutefois pas cette distance terre-lune qui me vient au coeur lorsque je jauge, de mon regard affectif, les connivences et connections qui interfèrent des uns aux autres et, particulièrement, de lui à moi, autour d'une table, autour d'un banc de sable, autour du monde qui est le nôtre.

Dans ces secondes-ci, je sens une part de moi qui s'échappe, qui s'envole à tire d'ailes pour se projeter vers un ailleurs, point si lointain, où il me faudra abandonner toute ma (énième) nouvelle vie pour mieux épouser la sienne. C'est ce que désire, ce dont nous avons librement convenu au sein des obligations de chacun qui, fatalement, coupent quelque aile au passage. Mais voilà, au moment où mon esprit divague, je tire une toile blanche imaginaire et découvre une scène crépitante où l'union que j'attends, celle que l'intégrité de mon équilibre nécessite, ne se fait pas viscéralement, ne se voit pas, n'éclabousse pas autrui du bonheur d'être liés à la vie.

Au-delà de l'intimité d'un chez-soi réconfortant, j'ai besoin de croire en l'attelage détonnant de deux jeunes hommes pouvant s'offrir le luxe de scander silencieusement, par un seul échange de regard, devant toute âme, et à fortiori celles qui nous apprécient, l'étonnante félicité d'une union réussie qui fermerait la porte à toute autre, à ces volatiles envies d'aller voir la couleur du gazon d'en face.

Parce que je suis de ceux qui ont besoin d'être rassurés, constamment. Pour avoir confiance en nous, il me faut développer celle en moi-même. Et tout y est lié, tout s'emboîte, comme une trilogie mystérieuse et indissociable : le lui, le moi, le nous. Pas de face B dans mon univers ni de verso quelconque dont on sollicite les talents sociaux en semblant omettre ce lien qui nous lie, cette attache qui explicite une présence duale ostentatoire.

Il me faudra être recto, déjà ici et surtout là-bas, sur une double pleine page, pleine fleur de l'amour à deux, le second témoin évident d'un couple qui l'est autant.

Et dans lequel je crois.

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