Chocolat De luXe
Les cinq premières secondes, j'ai bien eu le sentiment d'avoir déjà vécu cela quelque part.
Un homme à ma porte, un sourire offert de lui à moi, de moi à lui, dans la pâle clarté de cette lumière de ma terrasse, dans l'ombre étrange des oliviers. Et cette gêne sublime, cette question que j'avais cependant recensée mille fois dans ma tête, cette semaine durant, pour me positionner quant à l'expression de tendresse à lui démontrer.
Si je ne supposais pas un seul instant devoir lui serrer la main, ma bouche sur la sienne pouvait s'apparenter à une facilité vulgaire, comme ces échanges de sens que certains se témoignent dans des endroits plus ou moins incongrus. Mais à l'instar de l'arrivée hivernale de Jean-Paul, celle de mon Chocolat a soulevé en moi des ardeurs attisées par une correspondance longue et touffue, forte et abandonnée, par toutes ces attentes que les lignes échangées suscitent, billets d'humeur amoureuse, promesses à tenir. Ou finalement non tenues d'ailleurs.
Séquence deux, dès lors, quand Ludovic arrive de sa Suisse natale, tout transi par cette excitation d'une rencontre longtemps différée et qui, de manière subite, devenait notre exigeante réalité. Se plaire ou pas, dans un premier coup d'oeil, sans avoir réellement d'autres raisons que ces élans du coeur, ceux que notre raison n'expliquerait même pas, c'était éventuellement un pas de géant à franchir entre nos deux contrées.
Et pourtant... J'avais bien eu la sensation, apaisée il est vrai par deux photos sympathiques, que ce jeune homme saurait me plaire, quoi qu'il en serait, quelque éventuelle absence de magnétisme dont il serait coupable à mes yeux, tout renversé que j'étais déjà depuis un mois par la caresse sans cesse plus appuyée de ses idées pas même folles, par la volonté forcenée de tenter sa chance dans ma loterie intérieure.
Or, ce gars-là ne m'a pas plu dans cet instant où le coeur se retiendrait presque de battre. Non... Il m'a littéralement subjugué, définitivement conquis, simplement captivé par sa beauté de môme respirant le grand air, la pleine force d'indomptables moyens que j'ignore, le chic rassurant, la douceur d'yeux qui ne brillaient à ce moment-là que pour moi, un sourire franc et désarmant, une somme de qualités physiques dont jamais je ne me serais permis de rêver. Même sous Prozac.
Je l'ai embrassé, point embarrassé.
Car mon Chocolat est beau. Mon Chocolat est rouge et blanc, comme un Père Noël qui se serait aventuré à une livraison printanière de mets tous plus délicats, tous plus exquis les uns que les autres, d'attentions diverses émanant de sa fière et désirable suissitude.
Ce premier contact a été une révélation, une envie plantée en plein coeur de ces douceurs dans des papiers argentés, froissés, aux mille et un éclats, au bruit tellement caractéristique d'un plaisir qui s'annonce envahissant une fois dépouillé de son apparat. Le rencontrer, lui, enfin, me laisser me conter toutes les fleurettes inimaginables, les lui promettre autant, la seule pensée de ces instants à partager, dans une communion d'objectifs et de projets, je me retrouve sur le rail du véritable sens à l'existence, en partance pour cette destination que ni l'un ni l'autre ne connaît encore.
La seule certitude serait celle-ci : le billet sera en première classe.
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