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Journal de l'autre bord
7 juin 2004

De la belle-merde idéale

Sa fille était son idole et, à ce que j'en sais, le demeurera éternellement.

Fatalement, pour avoir l'estime la meilleure de la reine-mère, seul un être raffiné, réputé intelligent, cultivé un minimum, beau ce qu'il faut et riche... (ah, non : pas riche...) pouvait prétendre à accéder au rôle tant redouté par la plupart des garçons en épousailles, celui du Gendre majuscule, le jeune homme bien comme il faut qui efface d'un trait, d'un seul, chaque prédécesseur, chaque ex relégué au rang d'accident dans l'industrie amoureuse de la belle.

C'était donc ainsi, ma déclaration, mon amour pour Chloé, avait canalisé toutes les bénédictions du ciel, ces encouragements ostentatoires à s'intégrer davantage dans cette famille d'adoption, dans cet univers un tantinet phagocytant qui n'avait de cesse de s'extasier devant l'excellent (?) choix ainsi consenti.

Bien qu'ayant longtemps souffert au quotidien de l'expression détestable de ce que la famille, ce canevas traditionnel parents-enfants, représentait pour mon petit coeur piétiné, je ne voyais pourtant point d'un oeil humide cet attachement quelque peu singulier, et éventuellement indécent, entre une mère par delà trop envahissante et une jeune femme (l'avenir sous-titrera alors une "gamine") encore sous l'indigente férule.

Cependant, et c'est-là où le charme étrange opère, être enfin considéré pour, au moins, ses qualités avérées et devenir un objet d'attentions particulières, de petits gestes en tendresse exprimée, voilà malgré soi un baume efficace qui panse, avec le temps, les plaies de l'âme et qui nous donne à croire, à moi, un long instant et par delà tout un chacun, que je devenais un élément de plus, et non le moindre, de cette grande fratrie dégoulinante d'affection.

J'ai toujours été, il me semble, à tendance naïve, cédant volontiers un bout de mon coeur à ceux qui s'intéressaient à moi, ces gens-là, laudateurs efficients, qui vous ont la capacité dérisoire de vous promettre moins de démons et davantage de merveilles. Bien mal m'en pris dès lors, pour acquérir l'estime la meilleure de la reine-mère et, plus que jamais, dans ce piteux cas-là.

Car de l'amour à la haine, la frontière se veut étroite quoi que l'on en dise, quoi que l'on en ait démontré ou cru un temps avant. Dans une logique qui m'échappe encore, le gendre adoré s'est  métamorphosé en bête pigeon roucoulant, stupide oiseau embarrassant à abattre pour sauver l'honneur perdu d'une imbécile de garce, aussi fausse qu'irresponsable et étêtée.

Si je concède volontiers ne point avoir été parfait en toutes choses, je sais pertinemment m'être néanmoins employé à faire de mon mieux ces années durant, je sais avoir cumulé les concessions, les offrandes de soi, de temps et de moyens, d'énergie et de désespérances. Et, par dessus toutes choses, j'ai convaincu la terre entière de ne point m'être abandonné à développer un quelconque attachement parallèle, un gouffre sans fond éminemment dangereux, dans lequel j'aurais pu sombrer les pieds devant et l'amour autant.

Au-delà d'une simple remise en question de ce qu'elle investissait dans notre couple, de cette simple assertion qu'aurait constitué un "je ne t'aime plus" si affreusement commun que tout un chacun est en droit de (dé)mériter, mon hypocrite femme trouva vraisemblablement plus ludique de me demander de faire, encore, toujours plus, des pieds et des mains liés pour espérer son retour de diva. L'ennui c'est que, dans ce précieux temps, elle aura davantage préféré son copain basketteur, multipliant les rencontres occultes et les sentiments que l'on n'arrive plus à cacher. Quant à mentir à l'intégralité de sa société, sa sacro-sainte mère maquerelle incluse, le pas devenait aisé.

Qu'à cela ne tienne, pour ce monstre à deux-têtes, le défaut en l'histoire portait mon seul doux prénom. Et mes lacunes séculaires, celles que j'avouais volontiers par souci de sincérité à mon épouse, tous ces petits secrets que l'on évente comme des éclats de diamants à l'être que l'on aime, tel un gage du coeur qui s'abandonne, sont devenus des romans de hall de gare dans la bouche vipérine de l'infidèle et de la maternelle prêtresse des causes perdues.

Mon comportement phantasmé de toutes pièces contre la réalité infidèle d'une pauvre fille, combat de dupes dans lequel j'ai fait de mon mieux pour ne pas guerroyer à l'enchère du coup tordu, j'ai vécu la place publique et l'anathème, la religion et son immorale moralité, le souffre à l'état pur.

J'y ai perdu des forces, mes nuits, le sens de ma réalité et dix kilos. mais par dessus-tout, j'ai perdu la foi en ces déclarations pseudo-filiales, ces collages clef-en-main qui vous intègrent dans un cénacle, un beau jour alors que vous n'aviez rien quémandé, pour vous désintégrer un lendemain défavorable. Et j'ai appris la méfiance face aux meilleures intentions.

Car tel est l'apanage des petites gens, de ces esprits bêtement obtus et sans recul, ces êtres à vomir que je conchie pieusement : dans un duel qui ne les concerne pas, ils se sentent malgré tout obligés de choisir un camp, fut-ce en dépit de tout bon sens.

Et, dans ce postulat-ci, si m'en croyez, la belle-merde idéale excelle, vous éclaboussant de sa plendeur la plus complète et oubliant au passage ce qu'elle est.

Une fiente abjecte.

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Commentaires
F
<br /> D'où l'intérêt de s'attacher à des hommes, à des femmes véritablement adultes psychologiquement. On impose son conjoint à ses parents. On se fout de ce qu'ils en pensent. Il faut juste élaborer un modus vivendi entre l'être aimé et les parents qui ne soit pas douloureux pour les deux parties. Le jour où je me suis faite à cette idée, les relations entre ma mère et mon mari, très loin de leur beau-fils rêvé; sont miraculeusement devenues très agréables. A mon mari et à ma mère j'ai demandé de se taire sur deux points précis et depuis je respire. ILs font enfin connaissance, sachant que jamais ils ne sauront totalement satisfaits. Mon mari c'est mon bonheur et ça ne se discute pas.
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