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Journal de l'autre bord
17 avril 2004

Explicite lyrique

Bien entendu, je ne peux pas exactement me targuer, me vanter du haut de ma colline, de ces expériences multiples que tant et tant arborent comme des trophées de chasse des corps.

Bien qu'il soit de bon ton, à mon âge terriblement adulte, d'avancer la multiplicité de ses partenaires, l'humble serviteur que je suis a, pour sa part, plus de doigts que de raison pour compter ses amant(e)s sur ses seules mains si peu assurées. J'ai évidemment pris un certain retard en faisant de mon intégrité un sacerdoce de plus, un cadeau obligé à un Dieu excessivement moral, cet abandon de soi à la chaste cause d'un mariage précipité quoiqu'éminemment tardif.

Vingt-cinq ans copieusement révolus pour toucher enfin le point, celui d'avant l'H (de guerre lasse), ou ce moment qui permet enfin de devenir grand, dans une chambre luxueusement étoilée, Hôtel Normandy, grisé de Champagne, la vue sur l'Atlantique et ses mouettes rieuses. Ainsi époux, j'embrassais ma vie d'homme en une seule étreinte, enfin autorisée, qu'aucun aléa n'aurait su me reprendre. On ne perd ainsi sa virginité qu'une fois ; c'est simple à en mourir d'aimer.

L'eau a coulé depuis, mais les âmes qui passent m'ont été rares, davantage par choix que par mauvaise conscience. Romantique s'il en est, j'ai malgré tout essayé l'amour sans amour pour me perdre rapidement dans cet ennui insondable qui vous pousse à mettre un terme plus ou moins précipité à l'affaire.

Alors, du plaisir ?

Peut-être... mais jamais, non jamais, comme avec lui, comme avec nous. Car le Chocolat est un aphrodisiaque mythique, et c'est fou ce que le mythe grignote les inhibitions les pires dans ces conditions sine qua non de passion énamourée. Le baiser de sa bouche est le plus bel amuse-gueule que je connaisse pour me susurrer les ardeurs les plus évidentes, les désirs affamés qui s'enflamment, de long en large, et qui se transmettent du bout des doigts. Nos souffles s'emmêlent alors, ma chair à sa chair se fait lourde, les veines se gonflent, le pouls s'accélère, et je sens, je sais déjà, qu'à dater de cet instant-là, je suis celui seul, cet Elu, qui va le mener sur des rivages inexplorés, que l'on renouvelle sans cesse, où chaque vague sera porteuse de notre écume des jours, de ceux qui nous rassemblent depuis notre rencontre.

Mon nez aime à caresser sa barbe naissante, la rugosité délicieuse de sa peau, je baise son cou, mes mains le parcourent, du torse opulent et chaud à la paresse de ses reins, je parle, je cause, c'est plus fort que moi, de cette sensation qui m'envahit, de ce bonheur qui s'invite, en notre lit, et nous adresse d'impatientes promesses. Il ne dit rien, souvent... Ludovic savoure le moment, un râle de chat qui s'abandonne, comme une garantie de ce service d'avant la vente aux enchères, l'incessant crescendo des sens qui s'émoulent jusqu'au paroxysme spasmodique qui le guette et dans lequel je l'accompagne tout autant.

D'une paire d'heures à s'étreindre aux échanges quelque peu écourtés, chacun de nos rapports s'avère être un don amoureux, sans calcul, sans scénario, avec la seule certitude de se témoigner cette générosité qui nous anime, ce désir décuplé à contempler l'autre se cambrer sous la paume des mains tant aimées.

Loin de ces considérations de sens, de ce que la nature impose, d'envers et d'endroit, loin de ceux qui se schématisent par des déclinaisons rectum-versum, d'actif en passif inoxydable, je fais l'amour avec Ludovic comme il me plaît, comme il lui plaît, à l'envie du seul moment, sans retenue aucune, devenant l'espace d'un temps un héros de Colette, un chantre de Ces plaisirs, un enfant du pur et de l'impur. Ce dont je suis pleinement satisfait.

Moi qui avait toujours trouvé le corps-à-corps viril empreint d'une certaine laideur, je me surprends désormais à le voir sous un jour différent, comme un désirable sourire à la vie.

Celui du visage de l'Amour, mon amour, ma petite tête de garou.

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Commentaires
C
Je vous lis avec passion, et mon oeil de plumitif professionnel s'enchante de vos mots.<br /> Vous êtes ma gourmandise du soir, cher Vous !<br /> Amitiés<br /> Christophe.
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