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Journal de l'autre bord
6 avril 2004

L'enchaîné au débotté

Combien de mois pour s'offrir le luxe indécent de la liberté ?

J'ai tout quitté, j'ai tout oublié lorsque je veux bien fermer les yeux, j'ai pris le large comme d'autres portent encore le voile. A l'amorce appuyée de ma trentaine, je me suis employé à retrouver le chemin de ma seule existence, fi de tout comme si presque rien n'était, ma vie, ma seule, mon unique, le petit peu qui m'en reste, contre toutes les attentes dérisoires d'autrui, contre toutes les exigences muettes ou criantes, foin de la normalité, de la bienséance. Et d'un fol amour filial éventuellement.

Car, sans crier gare, par une simple question impromptue de ma douce grand-mère quant à la présence subitement étrange de mon suisse en mon antre de loup corse, je me retrouve dans cette situation, ce dilemme blessant, de ma liberté contre sa quiétude de vieille dame, superbe d'éternelles inquiétudes à mon égard.

Alors, j'esquive, je dédramatise, je vends ma rencontre cybernétique comme je peux. Je tente un saut vers un ailleurs pour retrouver la même suspicion étrange à l'autre bout de ce fil imaginaire sitôt l'atermoiement évaporé. Et là, bien que je préfère de loin assurer un flou artistique, le même qui les taraude tous depuis déjà deux décades, se présente l'inexorable nécessité de mettre un terme à la conversation, le ton plus ferme, l'agacement flagrant, les maximes presque assassines.

Que ma douce mamie se fasse un sang d'encre quant à mon devenir éventuel est une chose que je peux accepter, que j'aime malgré moi, à savoir l'expression de la plus belle des déclarations de tendresse, d'elle vers moi. Mais que cette inquiétude finisse par masquer un potentiel anathème familial, dégénérescence supposée généralisée, je ne peux laisser passer cette pression qui s'ignore. Car à avoir tant et tant voulu ne blesser nulle âme, et assurément point la sienne, à m'être ainsi ingénié à trouver acceptable sinon bénéfique un mode de vie éthéré, aseptisé et chromatiquement négatif pour cultiver, vingt ans durant, la certitude de la vanité de mes sacrifices dédaignés par le ciel et ses hommes, c'en est trop.

La bienséance, mon côté tellement ripoliné, a ses limites. Ce sont celles du bonheur que je vis, cette poussée vers une vie nouvelle, une carte du Tendre chocolatée, empreinte de projets, de joies immenses et d'angoisses de gosses. A tellement vouloir ne jamais froisser, je chausse malgré moi des chaînes dont je ne veux désormais plus. Et s'il faut en passer par un mot plus haut que l'autre, par l'assertion que ma vie m'appartient, que je la retrouve à peine et que je me fous de manière abyssale du confort, notion désespérément bourgeoise, de certains des miens qui tendent à occulter par leur vision étriquée mon seul bien-être, eh bien, je le ferai désormais.

Et je l'ai fait ; sans aucun regret. La discussion a ainsi été clôturée par mes soins, sur des notes autrement plus réjouissantes (certes, certes, on ne se refait pas totalement non plus...) mais le message aura amorcé son passage.

Les langues vont bon train, je le sais, je le sens. Et après ? Qui me rendrait ces années folles si j'acceptais de me les faire voler à nouveau ?

Me voici désormais prêt à tout, et même à me brouiller, tel un oeuf jadis élevé dans des batterie normatives.

La révolution est donc plus que jamais en marche.

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Commentaires
M
Porter son amour comme une couronne.
M
L'anormalité, la normalité. C'est mots n'ont pas de place en amour. Même au nom du respect des siens, même pour ne pas les inquiéter, il est absurde de se cacher. J'ai caché mes amours "normales". Je vis au grand jour mon amour hors norme et j'en suis fière. Non de choquer autrui ou mes proches. Mais de pouvoir vivre enfin pleinement et sans retenues.
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