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Journal de l'autre bord
24 février 2004

Barreaux d'honneur

Longtemps j'ai imaginé être un paria en raison de mon port quasi prohibé de sacoche dominicale.

Combien de fois, l'expression de mon identité aura été source de malaises, de tensions internes, et même de honte lorsqu'il s'agissait de s'affirmer, envers et contre tous, dans un credo tout ce qu'il y a de plus extraordinaire...! Ni borgne ni syphilitique, simplement jéhoviste, dans le plus simple appareil à penser, c'était m'offrir la garantie en or massif d'une certaine impopularité.

Et là... Telle une lettre à la poste ! Pas un commentaire, nulle réaction, calme blanc depuis dix jours en dépit d'une chronique qui y était toute entière dédiée... Va savoir... Aucun ami lecteur pour me féliciter de m'en être évadé sans les dégâts d'usage, aucun curieux pour m'interroger sur cette vie ascétique. A croire que le sujet ne suscite plus d'intérêt... Il s'agit pourtant d'un des plus fameux marronniers médiarques, s'épanouissant à intervalle relativement fixe entre les revenus de nos stars et le prix de l'immobilier !

Je n'y comprends décidément plus rien, moi qui voulais faire mon intéressant et obtenir une nomination au titre de monument ésotérique, chef-d'oeuvre jadis en péril... Que vais-je donc bien pouvoir encore avouer pour ratisser plus large, faire de l'audience et affoler mon petit compteur bleu d'émotions !?!

Est-ce que ça exciterait le chaland, au propre comme au figuré, de rencontrer un ancien taulard ? Après les phantasmes que véhicule l'imagerie d'Epinal relative aux pompiers et autres militaires, j'ai peut-être mes chances si j'évoque ma condamnation à treize mois d'emprisonnement ferme...

Car c'est ainsi que j'ai connu Nancy, riante vallée mosellane, ses macarons, sa place Stan, et son hôtel si particulier, aux frais de l'Etat. Charles III à la porte si lourde... de sens.

Et cela fait un choc que de se voir retirer ses petits papiers et laisser filer derrière soi le monde des vivants, de ceux qui vont, qui viennent, et ne connaissent pas les affres de l'incarcération. Les serrures qui se multiplient, la férraille qui grince, les matons dont on sent pertinemment qu'il ne faudra pas attendre un signe de compassion, cet univers ô combien redouté a comblé toutes mes désespérances.

Et tout cela, pour satisfaire un dogme tordu, une question de pseudo-neutralité en lieu et place d'un service national, même quand la conscience objecte des idées abjectes. Fleurer bon le martyr ou l'assurance presque certaine d'être dans le vrai, dans la Vérité. Dieu sait (oui... il le sait...) que j'ai manifesté mon relatif désaccord quant à cette fatalité dédiée aux seuls jeunes hommes, ces bien chers "frères", moutons de Panurge qui se réjouissaient, pour la plupart, d'aller rejoindre leur pairs, d'asseoir leur maturité en spiritulant à tout va jusqu'à l'absurde, le dérisoire, le déconnecté total. J'ai lutté avec ma tête pour finalement capituler devant un raisonnement captieux et la crainte de l'ostracisme infamant intra-muros. Trouver l'honneur de la fidélité à toute épreuve dans le déshonneur le plus civique, le plus humain aussi, voilà ce à quoi je me serai réduit.

Entre quatre murs, donc, avec un casier judiciaire défloré. On perd la virginité que l'on peut, Mesdames et Messieurs ! J'étais précoce à ma façon quoi qu'ordinairement héroïque dans mes contrées bigotes. Car "la foi sans les oeuvres est morte", dit le bon Jacques. Or, la mienne était un peu trop vivante, à mon goût, avec le recul...

Je me serais passé de cette humiliation de la promiscuité la plus scatologique, la plus caractérielle, parmi une trentaine de joyeux sinistrés fanatiques. Sans compter la douche de la semaine, punition abominable pour un petit bonhomme très propre sur lui !

Non, vraiment, la décision la pire que j'ai prise doit bien être celle-ci tant dans l'acceptation passive que dans la résignation dynamique. A côté de cela, même avoir dit "oui" à Chloé, par un bel après-midi d'automne, revêt du théorème le plus abouti. C'est combien dire...

Finalement, si je compte les points, je me révèle être un bien curieux concept. Jeune divorcé, nouveau bi, ancien suicidé, exclu de l'Enclos de Dieu, éternel fonctionnaire, aficionado de Sheila, période couettes sous yéyés, et jeune prisonnier sans sauf-conduit.

Voilà un amalgame porteur de richesses et de multiples promesses pour qui saurait les exploiter ! Mais il me faut, à ce stade, ôter une inutile espérance à l'âme qui se sentirait mousser en imiginant mon joli pyjama bleu rayé. Je crains d'être, en effet, très décevant sous ce rapport :

Je dors nu.

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Commentaires
T
t'as l'air qq'un de bien toi <br /> bonne soiree
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