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Journal de l'autre bord
9 février 2004

Jour de marché (de dupes)

Voilà que je me surprends à me réjouir inconsciemment de rentrer du travail, à 16H37 (oui je suis fonctionnaire, mal payé comme il se doit) pour aller faire un tour immédiat sur internet.

Car en effet, depuis ces dernières semaines, le rendez-vous presque quotidien des petites annonces retient toute mon attention malgré moi. Je vais, je glane, j'observe, je touche du doigt. C'est un peu comme ces fruits, ces légumes, offerts sur les étals à l'attention d'un prospect avisé, convenablement équipé de l'indispensable panier et de quelque menue monnaie, histoire d'assurer un troc équitable... Le pouvoir de choisir ce qui nous donne envie, ce qui nous plaît d'accommoder à nos délices, toutes ces promesses de réjouissances de bouche où les baisers se laissent supposer longs et langoureux, formidable bonheur d'une certaine liberté.

Mais est-on à ce point libre de nos choix en ce monde inverti ?

Je trouve déjà quelque peu limite, n'étant ni trop bête ni trop cul-de-jatte ni même frontiste, de devoir frayer avec ce genre de procédés que l'on espère, à tort ou à raison, toujours réservés aux laissés pour compte de la société. Simplement, voilà, la relation mâle étant ce qu'elle est, il est difficile d'espérer trouver une sensibilité identique à la nôtre à chaque coin de rue. Il y a ceux qui ne sont pas versés, ceux qui ne nous plaisent pas, ceux à qui nous ne saurions plaire autant, ceux qui cherchent à brûler leur corps plus sûrement que leur cervelle, et tous les autres.

Cela fait déjà un sérieux tri, peu de rescapés, peu de spécimens qui se répartissent, et cela de manière tout ce qu'il y a de plus aléatoire (encore que...), sur un territoire essentiellement urbain. Alors, fatalement, à distance, sur mon Rocher à moi, un peu comme les trois soeurs de Monaco, tout autant glamour mais en nettement moins riche, j'affiche brillamment un léger handicap quant à mes choix de circonstance.

Le parcours du combattant ne s'arrête pas là pour autant. Car si une exigence surnage de ces demandes d'amour clefs en mains, c'est bien ce rejet presque panique des maniaco-dépressifs, des mythomanes, trouillards et autres indécis que de nombreux requérants verbalisent. Curieusement, et du plus loin qu'il m'en souvienne, je n'avais jamais eu la sensation, dans mes expériences précédentes ou dans ce que j'en apercevais, qu'autant de tares étaient aussi précisément synthétisées chez la gent féminine. Alors, l'inconstance, gène viril ?

Car combien de pas en avant pour cent en arrière ? Combien de comportements névrosés, évaporés ou inconscients chez le peuple gay qui, en terrain conquis, devrait pourtant s'y épanouir ? Cette curieuse nature induirait-elle, le plus souvent, une fatalité à l'échec, à la fuite, à la couardise face à la vie qui s'annonce sous des auspices binaires ? Un et un, l'angoissante opération.

Je vais finir par me demander s'il demeure réellement utile de se laisser émouvoir quand il s'agit par la suite, inexorablement, de se sentir floué par un chapardeur d'espérances, un magicien merveilleux ou un apprenti sorcier des choses de l'amour dont la création sentimentale s'échapperait subitement par la tangente... Vais-je devoir encore rencontrer d'autres gamins pour toucher dans l'ordre, un jour, mais bien plus tard, le duo gagnant ?

Les questions m'assaillent à trop fréquenter ces aires cybernétiques. Or, finalement, et quoi que très certainement un peu vaine, l'expérience de ces lectures demeure des plus enrichissantes. Même si je ne saurais en ressortir nécessairement édifié, ni forcément satisfait, je me retrouve quoi qu'il en soit un tantinet moins naïf... Ce qui ne fait jamais (trop ?) de mal, je suppose.

Heureusement que, le week-end, ces marchés font relâche... C'est ainsi qu'on pille son congélateur aux souvenirs pour se sustenter l'âme... en attendant de refaire le plein le lundi.

Et, au soleil, bien entendu.

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